Postmodernité : un cycle nouveau commence.
Tribalisation de la consommation.
Esthétisation du quotidien.
Harmonie des contraires, harmonie conflictuelle.
Grouillement et vitalisme dans
l'horizontalité d'Internet
Au moyen âge, la grande figure emblématique était Dionysos (trois cents jours chômés par an par le biais des fêtes, des chapelles). La figure Apollinienne (représentée dans les monastères, conservatoire des arts et des techniques) avait une faible place. Puis il y a eu une lente dégradation de la figure Dionysienne et une montée en puissance de la figure Apollinienne. C'est alors que commence la modernité au XVIIe siècle, qui s'achève en 1950 par un mécanisme de saturation.
Par effet de compensation, ce que l'on avait négligé revient et est alors née la postmodernité. Depuis les années 1950 la raison cède le pas face à l'émotion. Cette post modernité est appelée à durer, peut-être cinq décennies, certainement pas beaucoup plus.
Aujourd'hui, en France, nous parlons encore de moderne et non de postmoderne alors que la période moderne est déjà dépassée.
La société féodale était cadencée par toute une suite de fêtes populaires et religieuses (la coutume a gardé quelques rites d'origine païenne). Notre ancêtre du Moyen Age, malgré la rudesse de la vie, avait un sens aigu de la fête. Il ne connaissait pas la notion de rentabilité, ni de productivité, et le temps ne lui était pas compté comme pour un ouvrier du 20ème siècle.
En Occident, et en France tout particulièrement, on assiste depuis 20 ans à une profusion de fêtes, de festivals populaires.
L'initiation est un processus associant organiquement chaque personne à des petites entités que l'on nomme communautés, tribus ou clans. Au sein d'une communauté, quand elle est animée par la puissance vitale, on peut être solitaire mais pas isolé.
Une tribu, au sens postmoderne du terme, est un ensemble d'individus non forcément homogènes (en terme de caractéristiques socio-démographiques) mais inter-reliés par une même subjectivité, un même affect et capables d'actions collectives vécues intensément bien qu'éphémères. C'est un groupe qui se forge par l'interdépendance de ses membres.
Désir plus ou moins conscient de briser les barrières établies entre la raison et l'imagination, le corps et l'esprit, la nature et la culture, et toutes les autres coupures.
Chaque individu postmoderne participe à plusieurs micro-groupes ou tribus partageant le même affect dans lesquels il joue des rôles parfois très différents et porte des masques spécifiques.
La Modernité a été une société dramatique, au sens premier du terme c'est-à-dire qui essaie de trouver une solution. Le tragique, au contraire, ne cherche pas de solution. "La modernité a été par nature dramatique, alors que la post modernité est tragique, et incarnée par la figure dionysiaque."
Appliquée aux politiques, cette distinction signifie que les hommes politiques continueront à s'éloigner du peuple tant qu'ils penseront qu'il existe une solution au chômage, à la pauvreté, etc. La perspective tragique nous conduit simplement à nous accommoder à ces phénomènes.
"A chaque retour du tragique, c'est le retour de la fête, de l'hédonisme. L'exemple du passé est celui de la décadence romaine, avec une abondance de jeux du cirque. Depuis une vingtaine d'année, une profusion de fêtes et de festivals populaires semblent relever de la même logique". L'abandon dans le collectif produit un effet cathartique, un défoulement individuel.
Notre société, marquée par une hyper rationalisation, a tenté en vain d'étouffer les affects qui sont désormais en train de revenir et de s'exprimer pleinement.
Le mariage pour tous relève d'une pure manipulation politique. On a voulu créer un écran de fumée pour masquer l'incapacité des hommes politiques à agir sur le réel. En revanche les manifestations qui en ont résulté sont quant à elles un exemple de communications émotionnelles.
"Il y a de toute évidence du tragique dans les fêtes : il s'agit d'une homéopathisation de la mort. Il n’y a pas de solution pour l'éviter, donc profitons du temps qui nous reste et dédramatisons".
L'archaïsme tribal caractérise le postmodernisme. Ce phénomène n'est pas l'apanage des jeunes mais touche l'ensemble de la société.
L'inscription sur le corps de signes, de sigles, expriment le sentiment d'appartenance. Corps traversé de pointes, d’anneaux, permettant à tout un chacun de s'enchaîner à l'autre.
Les cheveux couleur thé des jeunes Japonais, le noir agressif des protagonistes de la musique gothique, les objets métalliques traversant nombril, lèvres, paupières, langue, sexe ou oreilles, les tabliers et cordons exhibés dans les loges maçonniques, les rubans de diverses couleurs aux revers des vestes des notabilités, sont comme autant de décors grâce auxquels on affirme une appartenance commune.
Le pantalon baggy, les grosses chaînes bien visibles sur les cuisses ou les fesses, les honorables décorations, le foulard Hermès, la kippa du Juif orthodoxe, ou le voile de la beurette redécouvrant le charme de la charia – la loi islamique –, tout cela a, bel et bien, une fonction : relier, enchaîner l’un à l’autre. Un moule où le corps propre est dressé afin de s'intégrer dans un corps plus vaste, celui de la communauté.
Les divers tatouages et autres signes ostensibles sont autant d'expressions du retour de la cosmétique. Cosmétique qu'il faut apprécier en son sens le plus fort : ce qui lie le microcosme individuel au macrocosme collectif. Le théâtre du corps, le jeu des images témoignent que l'on ne peut plus séparer le corps et l'esprit, l'animal et l'humain, le fond et la forme.
La réalité du tribalisme est là, aveuglante, pour le meilleur et pour le pire. Le tribalisme, en tous les domaines, est désormais le phénomène dominant, et le sera encore dans les années à venir
Le tatouage n’est pas seulement un attribut esthétique individuel, il sert aussi de marqueur social. Traditionnellement, pour marquer le passage de l’enfance à l'état d'adulte, les sociétés primitives marquaient les corps des adolescents. C'est cet archétype que l'on retrouve dans les multiples tatouages et autres piercings s'exhibant dans la théâtralité quotidienne des mégapoles postmodernes. Les signes sur le corps rappellent que j'en suis de tel groupe, de telle communauté.
Faire du corps un passage.
En Inde, les Yogasanas relèvent de la même aspiration, mais de façon intensément spirituelle, hautement maîtrisée : se connecter, percevoir les vibrations cosmiques. Ce sont des moyens puissants pour se connecter. Yoga veut dire union.
Il y a les deux dimensions de l'expérience : extérieur et intérieur. Yoga veut dire amener une union entre l'intérieur et l'extérieur. Vous et l'Autre. C'est une approche physique de cette union ultime.
L'équilibre est une chose que les sociétés modernes ont ignoré et elles le paient très cher aujourd'hui.
Les hommes politiques ne s'attardent pas assez sur l'émotionnel.
Il ne s'agit pas d'une caractéristique psychologique, mais d'une ambiance générale qui règne dans une société, une tonalité. Cela peut être l'ivresse à la fin d'un match de foot, un grand rassemblement de bikers fans de Harley Davidson (passion pour une marque et une activité), une manifestation d'envergure, etc.
Tribalisation de la consommation : avec le pouvoir d'Internet, de plus en plus de consommateurs forment activement des communautés autour de leurs marques favorites
Dans la postmodernité, il y a une émotion primaire. Il y a un retour de l'animalité qui est en nous. Le mythe de Dionysos est toujours l'intégration homéopathique de la violence. Ça ne sert à rien de dénier quelque chose qui est là mais il faut savoir l'accompagner. C'est lorsque l'on a eu peur de l'animalité que l'on a abouti à la bestialité. Tout le XXe siècle a refusé l'animalité et a abouti aux camps nazis et communistes.
Il y a chez les femmes quelque chose de très dur et cruel. La douceur de la femme est un leurre absolu. La femme est ambivalente, comme l’est la figure de Dionysos et a ainsi une valeur créatrice. La Persona féminine se virilise.
Il y a une féminisation du monde, au sens de la féminitude. "La femme qui serait non créatrice, c'est-à-dire réceptacle et passive, est une vieille projection". Prenons par exemple le mythe de Lilith, qui est devenu les mythes des vierges noires, la force de la femme est très présente, d'un point de vue anthropologique. La postmodernité est caractérisée par l'imaginaire nocturne, à savoir la coupe, le réceptacle, le creux.
Le développement de la cosmétique masculine est un autre indice du changement d’époque.
Au XIXe siècle, le corps devait être producteur et reproducteur, c'était la seule légitimité du corps.
Aujourd'hui, le corps devient un hédonisme latent qui vaut pour lui-même, on essaye de jouir. Le corps est très ancré dans la vie quotidienne, il est valorisé.
L'importance donnée au corps est bien supérieure à ce qu'elle a pu être durant les décennies passées.
Le corps dans son entier est sollicité : le corps qu'on habille (la mode), que l'on soigne (la diététique), que l'on construit (musculation, fitness).
Dans cette période de soi-disant crise économique, il est intéressant de voir comment le luxe se développe. Le luxe est une recherche du non fonctionnel, au-delà ou en-de-çà de l'économie et du capitalisme.
La société officielle reste capitaliste mais l’économie n’est plus importante, le Plan épargne logement n’est plus un idéal de vie. Ce qu’il s’est passé avec les traders a été une déconstruction de l’économie au nom du jeu, de l’adrénaline
Le mythe de l'enfant éternel est en train de renaître dans nos sociétés. La publicité le célèbre, la mode lui accorde une place de choix. En bref, les multiples images par lesquelles la postmodernité se met en spectacle tournent autour de la valorisation d'une jeunesse perpétuelle. Il y a une assimilation de l'artiste et de l'enfant en ce qu'ils partagent tous deux le sentiment d'émerveillement devant la beauté du monde.
La figure emblématique de Dionysos et son incessante jeunesse est bien à l'oeuvre dans le vitalisme des jeunes générations. Retour à l'enfance et à l'énergie native que l’intellect n'a pas, encore, affaiblie.
Au XIXe, le jeune qui arrivait sur le marché du travail n'avait d'autre choix que de s'habiller comme le bourgeois, en costume trois pièces. Aujourd'hui, le vêtement de l'enfant éternel, c'est le jean, et le bourgeois se met au denim.
Le jeunisme des perpétuels adolescents ne voulant pas grandir et épuisant leur juvénile énergie est un aspect du syndrome dionysiaque. La "juvenoïa" est le fait d'adolescents qui contestent des parents dont ils n'arrivent pas à se détacher (phénomène Tanguy).
Mais le parler jeune, le s'habiller jeune, les soins du corps, les hystéries sociales sont largement partagés. Tout un chacun, quels que soient son âge, sa classe, son statut est, peu ou prou, est contaminé par la figure de "l'enfant éternel".
La figure de Dionysos se retrouve dans plusieurs sociétés où le burlesque, l'ironie et la dérision, des formes de désordre, régénèrent le corps social.
Initiation, spirituel, communauté, tribu, rituel etc. retrouvent une vigueur indéniable. Les événements politiques et leurs préoccupations profanes sont délaissés au profit de ces anciens archétypes
que la Modernité avait cru dépassés.
Derrière les masques, l'homo ludens se joue des paradoxes apparents de la fête, pour affirmer encore et toujours sa nature et sa position au sein de la communauté à laquelle il appartient. Les sociétés tissent leurs liens communautaires dans les rires et les larmes de ces émotions collectives.
"C'est cela le secret de la tradition : le fait que la conscience de soi, le milieu naturel et social où l'on se situe, et la compréhension de l'ensemble soient organiquement liés."
L'homme se perçoit alors comme un animal debout, riche d'une forte familiarité avec son milieu : il est un enfant de la terre.